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COMMERCES & ARTISANS

Murat, au fil des siècles

Murat, l'une des plus anciennes cités du département

Son nom celtique signifierait « roc escarpé », il apparaît pour la première fois dans l’histoire en l’an 270 lors de l’évangélisation de l’Auvergne par Saint Mary.

A partir du XIème siècle son expansion est liée à la construction du prieuré de Bredons (vers 1050) par des moines bénédictins venus de Moissac (Tarn-et-Garonne). La tutelle religieuse de Bredons sur Murat se maintiendra jusqu’à la Révolution française.

La ville est placée sous la protection des puissants vicomtes de Murat qui vont faire prospérer la cité. Quatre familles vont se succéder à la tête de la vicomté : les Murat, les Cardaillac, les Armagnac et les Bourbons. Les vicomtes avaient fait bâtir, sur le rocher qui surplombe la ville, un château-fort qui résistera aux assauts anglais et aux guerres intestines entre seigneurs. Afin d’assurer la protection de la ville, trois remparts et sept portes sont successivement édifiés au XIIème siècle, en 1375 et en 1480. Mais le faubourg, quartier le plus pauvre de la cité, reste malgré lui à l’écart des fortifications.

De là naîtra, un dicton encore bien connu des Muratais « Un mur mura Murat et Murat murmura ». Le blason, quant à lui, semble plutôt faire référence aux trois enceintes du château de Bonnevie, car il était déjà celui d’un vicomte de Murat parti en croisade en 1102 : « D’azur à trois fasces d’argent (bandes horizontales couleur argent), maçonnées et crénelées de sable (couleur noire), la première de cinq créneaux, la seconde de quatre et la troisième de trois, ouverte au milieu en porte ».

Murat, carrefour de la Haute-Auvergne

De par sa situation géographique, au carrefour des voies de communication, Murat est la cité idéale pour développer le commerce et les foires y sont nombreuses. Trois denrées en particulier vont faire la richesse de la ville : le blé, les bestiaux et le fromage. En 1531, la ville de Murat est rattachée au domaine royal. La cité continue de prospérer malgré les bouleversements du XVIIème siècle, les épidémies et les famines.

En 1626, afin d’assurer l’autorité royale et d’écraser toute rébellion intérieure, Richelieu décide la démolition des châteaux-forts construits à l’intérieur du Royaume de France et considérés comme inutiles à la défense. C’est le sort que va connaître le château des vicomtes qui sera rasé entre le 16 octobre 1633 et le 14 mai 1634, (il aura fallu 6 quintaux de poudre pour venir à bout de toutes les traces des fondations).

Ces changements n’empêchent pas la cité de s’enrichir. Le commerce et l’artisanat atteignent leur apogée. On compte une vingtaine d’hôtelleries et d’auberges, une trentaine de tisserands, une quinzaine de marchands-bouchers participant au négoce des bestiaux. Des orfèvres, marqueteurs, sculpteurs et peintres s’installent dans la cité, des médecins, chirurgiens, apothicaires avocats et notaires mettent aussi leur savoir au service de la population.

Durant la Révolution française, les Muratais souhaitent offrir une place de choix à leur ville dans la réorganisation administrative de la France. Murat devient alors chef-lieu de district.


Mais la cité reste à l’écart des avancées apportées par la Révolution industrielle. Seul le chemin de fer vient rompre l’isolement de la cité en 1866.

Le XXème siècle apporte son lot de désillusions, la ville perd son hôtel de sous-préfecture, sa sécherie des Eaux et Fôrets, son commissariat de police ...

Murat, ravagée par les guerres

La ville compte 102 morts, tombés au champ d’honneur lors du conflit mondial de 1914 -1918 et la dernière guerre va marquer tragiquement la vie de la cité murataise.


La région abrite de nombreux maquis et résistants et le 12 juin 1944, sur dénonciation, des soldats allemands et des miliciens commandés par le capitaine SS Geissler, chef de la police allemande pour toute la zone sud, investissent Murat afin de procéder à l’arrestation de plusieurs chefs de la Résistance. Un groupe de maquisards venant de Saint-Genés (63), averti de la présence des Allemands à Murat, fait feu des hauteurs de la ville en direction de la place du Balat. Plusieurs miliciens et soldats allemands sont tués, dont le capitaine Geissler. Le 24 juin, les troupes allemandes reviennent en force à Murat et arrêtent, en représailles, tous les hommes se trouvant en ville : 103 Muratais en âge de porter les armes sont regroupés et emmenés vers Clermont-Ferrand pour être déportés dans les camps de concentration (Neuengamme pour la plupart). Ce sera un voyage sans retour pour 75 d’entre eux.


Aujourd’hui, Murat raconte cette histoire au Mémorial de la Déportation et prend part aux échanges culturels et historiques de la ville de Brême (34 Muratais sont morts dans des camps près de cette ville).

UN MÉMORIAL EN HOMMAGE AUX DÉPORTÉS MURATAIS

En juin 2012, soit 68 ans après cette rafle nazie sanglante, une délégation murataise a été invitée à Neuengamme afin d’inaugurer une stèle en hommage aux déportés muratais.

Cette stèle est un monument à hauteur d’homme, érigé au centre d’un pavage d’environ 3m² et constitué de 6 colonnes de basalte de différentes hauteurs qui enserrent une colonne centrale plus élevée. (Orgues basaltiques provenant du Rocher de Bonnevie). 

Ces colonnes de pierres dressées, cerclées par un fer à béton, symbole de la captivité et de l’oppression, évoquent des silhouettes humaines qui se blottissent les unes contre les autres dans un élan ambivalent d’effroi et de solidarité. Cette stèle a été dessinée par l’architecte muratais Christian Pichot-Duclos, petit-fils de déporté. 

Le camp de Neuengamme

La création du camp de Neuengamme s’inscrit dans la volonté de Hitler de restructurer des grandes villes d’Allemagne dont Hambourg. C’est donc sur un terrain de cinquante hectares comportant une glaisière et une briqueterie que sera implanté le camp de concentration de Neuengamme à 25 km au sud-est de Hambourg, à la fin de 1938. Le camp de Neuengamme était un réservoir de main-d’oeuvre pour les usines et les chantiers de tout le nord de l’Allemagne, en particulier les régions de Hambourg, Brème, Hanovre ...

Les déportés étaient alors envoyés dans ses annexes extérieures appelées « Kommandos ». Parmis ces kommandos où travaillèrent des Muratais, on peut citer celui d’Hambourg, où l’on déterrait les bombes non explosées ; celui de la construction de la base sous-marine Hornisse, celui de l’usine de Blumenthal près de Brème et d’autres à Braunschweig, Salzgitter, Kaltenkirchen...

Le groupe le plus important de Muratais a travaillé à la construction de la base Bunker Valentin à Brème Farge. Cette base devait servir à la fabrication et au montage de sous-marins. La construction est gigantesque, grande comme 5 terrains de football, 40m de hauteur, une toiture épaisse de 8 mètres. Les conditions de travail sont épouvantables.
Le 1er août 1944, un convoi de 800 Français est dirigé vers Brème Farge, parmi eux plus de cinquante Muratais. Ils seront 33 à y trouver la mort.
A quelques kilomètres de là, dans un autre Kommando, les déportés construisent un autre abri en béton, le Bunker Hornisse destiné à la réparation de sous-marins. Le même jour, un groupe de 120 Français est dirigé vers le Bunker Hornisse dont plusieurs Muratais. 4 d’entre eux ne reviendront pas.

Les évacuations

En avril 1945, devant la poussée des armées alliées, les allemands décident l’évacuation du camp et de tous les Kommandos. Ils tentent de faire disparaitre les déportés. A pieds ou dans des wagons-tombereaux, ils sont dirigés vers le camp de Bergen Belsen où la maladie et la surpopulation font des ravages.
 
Les Anglais arrivés le 15 avril, vont trouver 10 000 cadavres. Il y en aura 9 000 de plus fin avril. On y dénombrera trois morts et deux rescapés parmi les Muratais. 
 
D’autres déportés se retrouvent dans un camp de prisonniers de guerre à Sandbostel où ils connaîtront l’émeute, le cannibalisme, le mitraillage, puis le typhus. Il y aura 8 morts parmi les Muratais à Sandbostel et 12 rescapés. Un autre groupe rejoindra Lübeck pour être chargé sur des bateaux : le Cap Arcona, le Thilbeck et l’Athen. On dénombre un mort parmi les Muratais sur le Cap Arcona et six rescapés sur l’Athen.

Ce sont 100 600 personnes appartenant à plus de 28 nationalités qui seront déportées à Neuengamme ou dans ses annexes. Les plus nombreux furent les Soviétiques suivis des Polonais, puis les Français au nombre de 11 000. Les Français ont eu 7 500 morts, soit plus des deux tiers.
En l’espace de onze mois, parmi les personnes arrêtées à Murat et envoyées en déportation on dénombre 75 morts dans le camp de Neuengamme et ses annexes et 34 rescapés.

Frank Imhoff, président du Parlement de Brême et Gilles Chabrier, maire de Murat, lors de la cérémonie commémorative des événements des 12 et 24 juin 1944, à Murat le 26 juin 2022.

L'association murataise Mémoire(s) & Déportation du Cantal a réalisé un travail de mémoire important avec le document suivant : 

"Arrêtés dans le département du Cantal en 1944, déportés à Neuengamme" (avec photos individuelles des déportés)